matin merdique
Il est des matins que la création aurait pu nous épagner. Je sais bien
que même le Destin doit vider ses tiroirs de temps en temps, mais quand
même.
Bon, le chat m'a presque peté le nez en venant dire bonjour, mais on dira que c'était une fracture amicale.
Un de ces matins où ça ne va pas. Aucune idée du pourquoi ni d'où ça
vient. "La rosée tombe avec un bruit écoeurant, ce matin." Envie de
retourner te coucher, mais le lit n'est plus la bulle chaude et douce
qu'il devrait être.
Tu réalises le problème quand tu atteins son apogée, vers les onze
heures. Quand le café n'est pas bon. Pas la peine de changer de tasse,
de le chauffer plus, ou même de le sucrer. C'est juste pas la peine de
le boire, en fait. Acide. D'ailleurs, maintenant, t'as mal au bide. Ou
à une connerie de viscère dans ce gout-là. Oh, pas beaucoup,non. Juste
assez pour pas aller bien. Même quand tu respires : tu trouves que ça
fait trop de bruit. Et puis, qui a piqué dans ta reserve d'oxygène ?!
Acharnement winampien. Si cette merde me repasse encore les Beatles, je me remet au métal.
Tu penses, tu repenses, sans jamais réussir à fixer. Ca aussi, ça
commence à bien faire. Tu regardes ton plafond, que tu connais par
coeur, et les seules pensées qui remontent sont celles que tu voudrais
oubliées. Plus tu te bats, pire c'est.
Pleurer ne fait aucun bien. Sternum bloqué, et c'est tout.
Devant le film de ce que tu ne veux pas voir, tu t'écoutes : ta respiration
étrangement sifflante, poul incontrolé, les muscles qui se contractent
avec -ou sans- raisons.
Ca va être une putain de mauvaise journée.
Apparemment, t'as pas assez payé avec hier. Hier ... dimanche. Puisqu'on a commencé à citer les grands hommes ...
"
Sam Ghônfl l'Indefiniment Prolongé songea qu'il aurait sans doute pu
s'y faire, s'il n'y avait eu les dimanches après-midi... [...]
C'étaient les dimanches après-midi qu'il avait commencé à ne plus
encaisser, avec ce terrible désoeuvrement qui vous saisit sur le coup
de quatorze heures cinquante cinq, quand vous savez que vous avez deja
pris tous les bains que vous pouviez prendre ce jour-là, quand vous
savez que vous aurez beau vous écorcher les yeux sur les articles du
journal, quels qu'ils soient, vous n'arriverez jamais à les lire
vraiment, ni à appliquer cette revolutionnaire nouvelle technique de
taille des arbres qu'on y décrit, quand vous savez que, tandis que vous
contemplez la pendule, les aiguilles s'avancent inexorablement vers le
chiffre quatre, funeste présage de cette languissante heure du thé,
triste tasse pour les âmes."
Tu connais ? Non ? Va mourir à la FNAC !
Toujours est-il que la merde, ça s'accumule pour te tomber dessus tout
bien ensemble. Et que celle d'hier est revenue pour les saluts.
En plus, c'est la première journée où il fait vraiment beau. Minable.
C'est comme si tu avais décidé que ça devait pas aller aujourd'hui. Tu
te fais orageux, grognon, renfermé, enfin bref foutez-moi la paix,
quoi. Mais bon, faut quand même qu'on te previenne que la population
mondiale a adopté ce matin l'empathie moyenne d'une demi-brique comme
norme commune. Et que quelqu'un a paumé la chaussette.
Et, evidemment, c'est un lundi.