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Fiat lux
20 janvier 2007

Gris ?

    Le ciel est gris. La pluie vient s’abattre sans espoir sur le vasistas, conjuguant ses forces à celles de la radio pour me soutirer des douceurs du sommeil. Comme tous les matins, le grognement que je pousse ne suffit pas à exprimer ma frustration, loin de là, et je n’arrive pas à me convaincre tout à fait de la non-futilité de tout cela.
Mon plafond est gris.
    Affronter la moindre nourriture est, comme tous les matins, au-dessus de mes forces et je vais directement m’échouer sous une douche brûlante, tentant vainement de noyer toute pensée dans ce déluge rituel. Gestes machinaux, mécaniques : on enfile des affiches de pub pour être reconnus par nos pairs, on entasse la connerie de nos aînés sur notre dos et on va se rendormir, bercés par d’obscures formules ou de langues formées de mots inconnus, le tout gracieusement financé par notre merveilleuse oligarchie. Vive la nation !
    Dehors aussi, c’est gris. Mais c’est plus grand -encore, que…- alors y’a des nuances. Gris ou gris foncé. Noir pour les gens : c’est moins salissant et ça évite de se regarder trop souvent, on peut se fondre dans la masse du décor.
    Plus je me rapproche du bloc communément appelé lycée, plus la densité de population augmente et plus je suis forcé d’admirer la pitoyable ascension de mon espèce dans les abîmes colossaux de la bêtise. Là : un groupe d’anorexiques roses fluo, discutant avec hystérie du haut d’hideux instruments de torture lombairiens de la première chose traversant le néant qui sépare leurs oreilles, histoire de se complaire dans le bruit et dans la solitude complète, mais à plusieurs. Ici : le kador des BTS en roule une à une putain allumeuse, taillée xxl, celle-ci. Même combat que les précédents, mais en silence. On finira par les trois barbares, anars et haïs, huit heure du mat’, déjà un gramme dans le sang, faisant tourner leur quatrième cône de la journée. Ceci étant, comme ils ne dorment pas, ça leur laisse du temps… Silencieux et chargés, ils sont finalement les plus ensembles. Et aussi, sûrement les plus supportables de tous.
    Ah, si ! Juste là, devant. Devant loin en fait. Y’en a une, qui passe, apparemment proche et pourtant si lointaine. Différente. Et le type qui passe, là, sans me voir lui non plus, différent lui aussi. Mais inaccessibles tout deux pour moi, presque autant que le sont leurs propres utopies pour eux-mêmes. Autres façon de concevoir le monde mais, j’en ai peur, ne vivant en fait pas tout à fait dans le même monde que nous non plus. Et puis, ils ne font que passer : on a mal et on oublie. Un saint homme disait qu’on est bien seul chez les hommes. Suis-je un saint homme ? Va peut-être falloir que je revoie ma définition de saint, alors. Ou de maudit, à défaut.
    Une barre d’acier frappe sur une demi-sphere. La forme circulaire de l’objet permet une meilleure propagation des ondes et créé un effet de résonance, vive la physique, dont la sonnerie vient d’annoncer deux heures qui risquent fort de s’avérer extrêmement passionnantes. Pour le prof. Eternelle attente de la fin du café, dans le couloir gris avec quelques autres, moroses. A l’angle court un tuyau, qui parcourt tout l’étage. Le gaz. Comme ce serait simple… Le sadique ayant fini sa dose de caféine arrive avant que je n’ais le temps de pousser plus loin mes idées. Sans doute pas une mauvaise chose. Je sens que je ne vais pas tarder à me faire une petite dépression, une de plus. Mais ce serait oublier que c'est un luxe que je ne peux plus me permettre, la moitié des psys de la ville m'ayant déjà prescrit trangsène et chewing-gum à la fraise, les autres étant déjà prêts à me faire interner "pour mon bien". Bordel, ils me font rigoler. Pour le bien de ce misérable semblant de but qu'ils ont déniché pour leur vie, oui, et qu'ils ne supporteraient pas de voir dégommé sous les coups de la vérité crasse qu'ils ont rejetée. Ce pays vraiment une banlieue merdique !
  Le prof a changé, et nous aussi, de salle, mécaniquement : maintenant il nous baragouine un peu d'anglais et mon latinisme latent s'élève contre l'insulte linguistique qu'est ce flot au rythme larvaire et aux accents boueux. Je me fais foutre dehors pour m'être refusé à participer au massacre ambiant. Je ne me fatigue même pas à discuter, je laisse les baccalauréeux à leur studieuse et stupide course à la mention suicidaire.  Je ne suis pas un jedi, ce n'est pas ma guerre. Au bout d'un moment, le prof rouvre la porte. Me jette un regard noir : je suis allé me chercher un café. La referme. J'attends. Rien de mieux à faire, et puis, ma veste est restée à l'intérieur. 

Il fait froid dans ce putain de couloir, et ce café chaud me brûle les doigts.

On est au troisième, tout en bas il y a un mec qui se bat avec son antivol.

Je regarde dehors : il y a quelque chose qui ne manque, je voudrais mourir.

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